conte du lundi 98
Tout le monde avait remarqué ce couple élégant qui entrait au bureau de poste des quais de Marseille. Sans doute allaient-ils prendre le paquebot qui partait pour Shangaï. Un bien long voyage mais de merveilleux paysages à découvrir. Monsieur était sans doute diplomate. Il était chanceux le blondin ! Elle aussi puisqu'elle n'allait pas voyager seule. Il en avait vu, Ponin, de ces petites demoiselles, futures épouses de sous-secrétaires d'ambassade qu'on expédiait comme un colis avec un vague chaperon !...
La dame avait demandé à envoyer un télégramme et personne n'avait remarqué que sa main tremblait lorsqu'elle avait rendu le papier. Ponin avait bien vu comme elle avait changé de couleur en lui tendant le texte. Son teint s'était réchauffé. Elle souffrirait sans doute de la chaleur en arrivant à Port-Saïd !... Il les avait regardé partir en enviant leur sort puis il avait lu le papier. qu'il devait envoyer...
PAPA - SI VOUS M'AIMEZ - VOUS NE POUVEZ ME LAISSER PARTIR AVEC CET HOMME - EN FILLE OBEISSANTE J'AI EPOUSE CELUI QUE VOUS AVIEZ CHOISI - ET PARCE QUE VOUS M'AIMEZ JE SUIS SURE QUE VOUS NE CONNAISSIEZ PAS SES OBSESSIONS ET SES PENCHANTS - JE NE SAIS SI NOUS PARVIENDRONS EN CHINE MAIS JE SAIS QUE SI JE PARS JE SUIS SURE DE NE VOUS REVOIR JAMAIS - LE BATEAU LEVE L'ANCRE A QUATRE HEURES DEMAIN MATIN - VOUS AVEZ ENCORE LE TEMPS D'ARRIVER POUR ME SAUVER - NOUS SERONS SANS DOUTE DANS NOTRE CABINE SUR LE NAVIRE - VENEZ JE VOUS EN SUPPLIE - VOTRE FILLE QUI VOUS AIME - DOROTHEE
© Lakévio