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En bateau, Lakevio !
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12 juin 2017

Lundi 62

 

Robert Kenton Nelson

 

Lilette avait pris sa décision rapidement. La demoiselle de l'agence venait de partir ; elle était venue dire que les Tempête avaient signé. Drôle de nom que ces gens ! Mais Lilette n'avait que faire d'eux. Savoir d'où ils venaient, combien ils étaient et pourquoi ils avaient choisi sa demeure, tout cela lui était bien égal. La maison était vendue ; c'est ce qu'elle voulait. Elle n'aurait jamais cru que la chose se ferait si vite mais comme disait Caroline, la demoiselle de l'agence, la demeure avait du potentiel... Vaste, solide, bien entretenue, les pièces bien distribuées, deux salles de bains, coin toilette avec douche dans les chambres, cuisine spacieuse, salon lumineux, salle de jeux, cave et grenier aménagé, deux garages et un jardin suffisant pour des jeux d'enfants. Le quartier est calme, les voisins gentils. Le centre commercial, l'école et le lycée à dix minutes en voiture tout au plus. C'est pourquoi l'annonce n'était restée qu'une semaine... C'était fait. Bien fait. Plus à réflêchir et tergiverser. Faire ses bagages au plus vite.

Non, elle n'avait rien dit à personne. Seul Monsieur Ricard, de l'allée voisine, avait vu l'annonce et était venue la voir pour vérifier. Elle ne lui avait pas demandé de ne rien dire ; elle le connaissait et savait qu'il ne colporterait pas la nouvelle. Elle allait partir et n'en revenait pas tout à fait. La maison d'une vie ! Bâtie par Henri, à l'aube de leur vie à deux. Il avait vu grand, imaginant leur foyer peuplé de rires d'enfants et de cavalcades, les générations se succédant. Ils avaient vécu là avec Marguerite et Jean, ses beaux-parents, rejoints par Simone, sa mère. Quatre enfants s'étaient ajoutés aux adultes et finalement on avait même été un peu serrés avant que les rangs ne se délitent. Les plus âgés, puis les enfants, tour à tour. Pas la même destination, bien sûr ! Les uns au cimetière, les autres à leurs chères études puis leur nouveau travail, leur nouvelle famille. Enfin Henri, lui-même, avait pris la poudre d'escampette pour un ciel plus clair que le jardin assombri par la haie qu'il ne pouvait plus tailler... Dix ans qu'il avait déserté !

Et bien non, elle n'avait pas averti les enfants. Ils sauraient bien assez tôt sa nouvelle adresse. Elle avait pensé...

Elle avait mal pensé ! Ils le lui avaient dit : "il ne faut pas que tu vives en fonction de nous !"...  

La maison était si grande... Toutes ces chambres à peine occupées par les différentes tribus une fois l'an ! Elle avait cru, qu'au moins pour les vacances... Ou un week-end, pour les plus proches. Mais, même le dimanche, de banlieue à banlieue, quand il faut traverser Paris, cela fait perdre tant de temps ! Ils ont raison. Comme toujours. N'empêche !... Et bien voilà, elle les avait pris aux mots ! Va t'en vivre ta nouvelle vie, ma fille ! Finalement, elle espère que les Tempête ont beaucoup d'enfants. Quoique, de nos jours... Elle va aller demander à Caroline, à l'agence. Comme cela, elle aura la cave en moins à vider, avec tous les vélos et les cartons de jouets. Grand dieu, pourquoi donc a--t-elle gardé tout ça ?

C'est comme leurs livres. Elle va demander à Laurence, la dame de la bibliothèque, si elle les veut pour le coin enfants. Peut-être que les Tempête seraient intéressés par quelques meubles ?... Toujours ça de moins. Faut s'alléger ! Elle décida de rencontrer les Tempête...

 

Un matin, Lilette sortit dans le jardin. Devant sa porte, six personnes et un petit camion de déménagement l'attendaient ; les Tempête s'installaient. Elle laissa la porte ouverte et les regarda en souriant. Comme ils leur ressemblaient ! Il y aurait à nouveau la tempête sur la pelouse et dans l'escalier. Elle alla d'un pas décidé jusqu'à la mère de famille et lui tendit les clés. Au père, elle dit : "c'est une bonne maison, vous savez, au moins pour vos meilleures années !" Aux enfants : "il y a beaucoup de surprises pour vous, dans la cave. Et même au grenier !" Puis tenant ce qu'il restait de son ancienne vie dans deux petites valises, elle partit sans se retourner. Dans son sac, un billet pour New York qu'elle avait toujours eu envie de visiter.

 

© Lakévio

 

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Commentaires
V
J'imaginais les pires choses derrière cette façade de maison parfaitement clean, et puis non!
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L
Un de perdu, chez Colombine :<br /> <br /> <br /> <br /> http://demainestunautrejour.eklablog.com/un-de-perdu-a130459672
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A
bouhhhhhhhh....un texte qui me touche...un peu trop...Nous on a pris une maison plus grande, pour les recevoir tous, mais comme tu dis, traverser Paris (ou l'ouest, ou l'Italie)....<br /> <br /> Voici le mien : http://demainestunautrejour.eklablog.com/
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E
dix ans qu'il avait déserté ? Elle a bien mérité de faire un peu ce qui lui plaît... sans s'occuper des autres!
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C
J'adore ! oui, j'adore le fait qu'elle prenne sa vie en main et qu'elle pense à elle, à se faire plaisir ! il y a un temps pour tout dit on ! et c'est vrai ! j'aime aussi qu'elle parte en sachant que sa maison aura de gentils nouveaux occupants !
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