Printemps en Auvergne
La colline du B. dans les années 60
Elle grimpe sur la colline, le chien devant.
C'est le rituel lorsqu'elle retourne à la campagne ; la première promenade. Le chemin l'appelle, la côte l'attend.
Les gens du hameau disent "la côte" ou "le côteau" mais elle, elle parle de "la colline", c'est plus doux et plus poétique...
Tandis que le père fauche l'herbe d'hiver dans la cour avant de pouvoir rentrer la voiture, elle monte là-haut. Le chien sait où elle va ; il est déjà sur le chemin. Il s'arrête parfois, et la regarde de loin, la queue joyeuse et les yeux brillants, langue pendante dans la gueule rieuse.
C'est sur ce chemin-là qu'elle pense combien ce serait merveilleux si, de là-haut, on découvrait la mer... Mais la vue - là-haut - s'étend sur un océan de collines avec de rares îlots de villages, nichés dans les vallons, l'île d'un château peu fier, les vagues imprécises de la chaîne des Puys aux couleurs aussi douces que leur forme.
Ce qu'elle aime sur la colline, c'est le vent. Brise légère et caressante ou souffle violent et sauvage à vous couper la respiration suivant le temps et les saisons. Tout vibre ; l'air chante. Elle aime aussi les ondulations des champs sous la puissance du vent. Une vraie mer démontée à ses pieds.
C'est une herbe particulière que celle de la colline : de longues tiges fines comme un fil, suffisamment hautes pour se courber et danser. Une herbe qui ne jaunit jamais, au toucher dur et glacé. C'est sa densité qui en fait un tapis douillet. Elle aime à s'y coucher au plus près des brins pour les voir bouger. De larges taches de couleur se déplacent sur l'étendue des prairies, du vert foncé à l'argenté sous l'effet du vent et du soleil.
Et lorsqu'elle lève le nez, il y a les nuages fuyants, les merveilleux nuages.
Alors, elle songe à Baudelaire...
Le B..., 1965-1975
© Lakévio
La-haut, sur la colline...
Soyez indulgents pour les photos prises avec le petit Kodak Brownie Flash, dans les années 60 !