La petite fouineuse au grenier
Celui de la maison de ville.
Dans cette maison à plusieurs niveaux et aux nombreuses marches il y avait plusieurs greniers...
Tout d'abord, on entrait dans un vaste espace : la "fenière". Cette pièce avait servi à garder le foin du cheval de mon grand-père et je me rappelle en avoir vu le monticule tout au fond.
Il n'y avait pas de fenêtre; l'ombre vous saisissait dès qu'on ouvrait la porte. On y allumait la lumière en tournant le gros bouton de faïence blanche. Si on avait besoin de plus de clarté, on pouvait ouvrir une porte basse dans le mur à gauche qui donnait directement sur le jardin. Elle servait justement, autrefois, à monter les bottes de foin ...
Photo du Net
Dans le plancher gris poussière, sur la gauche, il y avait la trappe qui permettait de faire glisser directement celui-ci dans le ratelier de la stalle de Pompon, le cheval gris.
photo du blog de Naife Alice
Cette pièce avait une odeur spéciale. Une odeur de graines, de semences. Cela venait d'un vieux buffet. Il était rempli de boîtes de graines que mon grand-père rangeait là. Certaines, en fer, contenaient du café vert, très exotique pour moi ! Il y avait aussi la réserve de bocaux vides de ma mère et de ma grand-mère. J'aimais surtout les journaux qui recouvraient les planches, très vieux, jaunâtres et friables au toucher !
J'adorais cette pîèce que je trouvais mystérieuse, enivrante, propice aux rêves... Les murs gris pâle semblaient hauts, infinis et le plafond de planches et de poutres soutenant les tuiles du toit évoquaient un donjon, quelque château comme Tournoël ou Chateaugay, juste accroché aux nuages, entre l'immensité de l'espace et la rivière du temps. C'est là que j'ai inventé mes histoires les plus épiques, joué avec mes amis à Lancelot du Lac, Ivanhoé, Thierry-la-Fronde, le Club des Cinq et organisé des pièces de théâtre...
Au milieu du grand mur en face, s'ouvrait une autre porte. On entrait dans un autre grenier directement sous la pente du toit en descendant une marche qui permettait d'avoir encore une hauteur suffisante pour tenir debout. Cette petite pièce s'étendait en longueur de chaque côté, mais beaucoup plus sur la droite. Là, sur le mur étroit, s'ouvrait une minuscule fenêtre. C'était ici que se trouvait vraiment le bric à brac de grenier ...
Petit inventaire à la Prévert...
Vieilles panières à linge, planche à lessiver, antiques fers à repasser, anciens ustensiles, quelques chaises, les vieux jouets de mes frère et soeur et les miens propres relégués : dinettes, raquettes, balles et ballons, jokary et autre diabolo, des piles de couvertures marrons "datant de la guerre", couvre-lits défraîchis, petits paniers d'osier et boîtes à bonbons,
et un vieux violon...
des valises en carton, des sacs de toutes sortes, le carton de déguisements, d'antiques robes de chambres et de vieux manteaux, des boîtes à chaussures croulantes emplies de cartes postales, des sacs de l'armée, de vieux classeurs et des trousses éculées, un nécessaire à barbe, des cordes et cordons, ficelles et bouchons,
et un vieux violon...
encore des bocaux vides, des pots à confiture, des stocks de laine, des ouvrages de dames inachevés : rideaux de crochet, broderies de buffet, napperons, un étonnant lit de fer pliable et son matelas rayé, un édredon de plume, des cartons de livres de classe, des collections de Petit Echo de la Mode, Modes et Travaux, Sélection du Reader's digest, Chasseur français, des numéros de Point de vue, Paris Match, Jours de France, Marie-Claire et Marie-France et des magazines pour enfants : Tarzan, Lisette, Mickey, Nano Nanette, Sylvain Sylvette, etc...
et un vieux violon...
Un vieux violon à une seule corde, dans son étui qui contenait aussi... un sac de sable très fin venu d'on ne sait où...
Et la plus belle chose, mon émerveillement, que j'admirais tant, caressais sans jamais oser revêtir tant elle était immense et lourde était... la robe de mariée de ma mère...
C'était une superbe robe de satin entièrement recouverte de dentelle, de la fin des années 20. Elle avait voulu la faire teindre pour la remettre une fois retaillée par la couturière. Et miracle : la teinture, d'un vert très doux, n'avait pas pris sur la dentelle mais seulement sur le satin, offrant une robe bicolore originale et de toute beauté à ma petite mère. Il y a quelques vingt ans, lorsque ma mère dût être aidée à domicile et que la maison était ouverte à toutes les visites et tous les passages, cette chose a disparu... Mais si un jour, je la vois dans une brocante, je reconnaîtrai entre tous cet objet !...
Mais ce n'est pas fini ! Dans cette partie là, plus tard transformée en "bibliothèque", s'ouvrait encore une porte ! Là, il ne fallait pas craindre poussière et araignées... et marcher courbé ! On était sous la partie la plus pentue du.toit. De vieilles planches et chaises cassées, des bouteilles et toujours des bocaux, des roues de vélo, un rouleau de lino, et... le coffre dont j'aimais beaucoup soulever le couvercle... car il y avait de la douceur et des souvenirs au-dedans...
Bien pliés reposaient quelques vêtements de ma mère - la robe qu'elle portait lorsqu'elle m'attendait et certains de nos vêtements de bébé... bavoirs, jupons, tabliers, robes brodées, pulls tricotés avec amour. Quelques objets aussi : insignes de guide et jeannette, livrets, foulards.
et un vêtement original, la robe de "croisée" que ma soeur avait portée...
Photo du Net
Et oui, ce sont les femmes de ma famille qui m'ont appris à garder !
© Lakevio