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19 novembre 2018

Conte du lundi 130

 

Carrie Graber - night-drive

 

 

Voici l'heure où commence l'histoire de Germaine Malorthy, du bourg de Terninques, en Artois.

Histoire tragique, comme vous le savez, intense et brève...

Germaine Malorthy n'avait jamais fait parler d'elle. C'était une jeune fille gentille, assez jolie, qui avait grandi tranquillement à Terninques. La dernière d'une fratrie de treize enfants. Bien sûr, ils n'étaient pas bien riches, les Malorthy. Ils trimaient dur dans leur ferme, par goût et pas nécessité, ce qui ne les empêchait pas de garder un oeil sur leurs rejetons, de veiller à ce qu'ils soient propres, qu'ils soient nourris et ne manquent pas la classe. Les aînées s'étaient mariées jeunes, les cadets s'étaient engagés après le service militaire. A partir du cinquième, ils avaient tous fait des études ; le septième était même devenu notaire. Seule, la Louise, la dixième, avait mal tourné et "travaillait" à la ville, à quoi, on ne sait pas trop... René était entré à la Poste et Lucie était professeure des écoles. Quant à Germaine, elle avait travaillé à la boulangerie jusqu'à ses vingt-quatre ans, jusqu'au jour où elle avait fait l'erreur de sa vie. Elle avait épousé Paolo Falconi, le fils du pharmacien venu d'Italie. 

La fête avait été jolie. Tout le monde pensait qu'elle avait joliment réussi, la Germaine. De sa petite place enfarinée, elle passait chez les nantis ! Les parents se montraient flattés bien que n'ayant pas à rougir de leur statut ni de leur progéniture, sauf peut-être de la Louise, mais bon, on médit parfois... Et même les pharmaciens étaient contents. Paolo, leur cadet, ne les oubliait pas, venait souvent se mettre au vert, se ressourcer et cette affection les comblait. Paolo, on ne le connaissait pas vraiment.  Il était parti dans le Sud depuis longtemps  - chez un oncle, avait dit le pharmacien, mais il semblait avoir un certain train de vie, avec sa belle auto, son petit chapeau, son gros manteau...

Germaine avait donc quitté les brumes du Nord pour le pays du soleil et des cigales, baignant dans la joie et l'amour. Lune de miel avec jacuzzi et piscine. Maîtresse d'elle-même, dans sa villa sur les hauteurs de Cassis. Elle y recevait sa smala de frères et soeurs et ses beaux-parents. Ses parents, eux, avaient un peu de mal avec tout ce luxe, qu'ils disaient. Elle faisait du shopping, allait au cinéma, profitait de la lumière et de la chaleur se partageant entre baignades et bronzettes. Elle ne se l'avouait pas, mais elle s'ennuyait un peu... Elle prit donc l'habitude de rejoindre Paolo à son travail. Enfin, il était parfois difficile de le trouver ! Naïve, elle s'était ébahie à ce qu'il possédait plusieurs "affaires" : un spa, une salle de sports, deux bars, une boîte de nuit, à Marseille. Germaine avait pris sur elle pour se faire une place dans ce monde mais Paolo, amoureux, était plutôt fier de montrer sa jeune épouse. Il la flattait toujours en lui disant qu'elle était plus belle et plus pure que toutes les femmes qui l'entouraient. Il l'appelait son héroïne... 

Mais le plus souvent, parce qu'elle n'était pas réellement à l'aise, Germaine attendait Paolo à la maison. En quelques semaines, elle avait vu son visage changer. Il avait des ennuis mais il ne voulait pas en parler. Juste des soucis d'argent,un problème passager, rien qui ne puisse s'arranger en vendant le spa, par exemple. Pour Germaine, cela semblait considérable mais Paolo lui avait dit de ne pas s'en faire. Cependant, une fois, il était rentré couvert de plaies et de bosses. Un mauvais gars qu'il avait fallu sortir du bar... Une autre fois, fortement blessé, il avait refusé d'aller à l'hôpital, affirmant qu'il avait juste surpris un cambrioleur en arrivant à la propriété qui l'avait frappé avant de fuir. Et pour la rassurer, il lui avait montré qu'il possédait un pistolet mais tout d'un coup, devant l'enchaînement des tracas, Germaine entrevit la réalité. Tout se mit en place. Tout ce qu'elle n'avait pas voulu voir  : elle n'avait pas fait un beau mariage ; elle s'était liée avec un petit truand de la pègre marseillaise. Si ses parents l'apprenaient, ils en mourraient de chagrin... Elle se rappela les paroles de Fernand, un ami de son mari, qui avaient fait rire tout le monde  : "chez nous, il n'y a que des veuves"... Cela l'avait effrayée mais elle n'avait rien compris ! 

Cette nuit, elle attend encore, guettant les bruits sur la route. Il est deux heures trente-quatre et Paolo n'est toujours pas rentré. Il n'y a aucun bruit dans le quartier résidentiel. L'angoisse monte. Germaine la fait taire en décidant d'aller en ville chercher Paolo. Elle descend au garage prendre sa petite auto jaune. Elle met le contact.

L'explosion arrache la porte du garage et fait un trou béant dans le sol de béton et de marbre du salon. Après la chute des blocs de pierre, la fumée et la poussière se mêlent pour étouffer l'horreur. Les flammes silencieuses dévorent à présent tout le côté Sud de la villa. La nuit noire et le bruit assourdissant des criquets s'étendent de nouveau, maintenant, sur le jardin et la terrasse, tout autour de la maison.

 

© Lakévio

 

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Ardente nuit pour Le Goût :<br /> <br /> <br /> <br /> http://le-gout-des-autres.blogspirit.com/archive/2018/11/19/le-fagot-me-fascine-3126456.html
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Soleil de nuit pour Gwen :<br /> <br /> <br /> <br /> http://bourlingueuse.canalblog.com/archives/2018/11/19/36880232.html
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Une infirmière dévouée, chez Emiliacelina :<br /> <br /> <br /> <br /> http://emiliacelina.canalblog.com/archives/2018/11/19/36873349.html
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Le sanglier, chez Délia :<br /> <br /> <br /> <br /> https://deshirondellesetdespapillons.blogspot.com/2018/11/voici-lheure-ou-commence-lhistoire-de.html
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Merci patron, chez Berthoise :<br /> <br /> <br /> <br /> http://berthoise.canalblog.com/archives/2018/11/19/36878213.html
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