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17 juillet 2017

Lundi 67

 

Lin Fealing - Judy

 

Tout le monde avait remarqué : Abigail était venue. Elle avait même trouvé un chapeau pour coiffer sa tignasse rousse et semblait s'amuser comme une folle.

Tout le monde se souvenait d'Abigail même si personne n'en parlait jamais à voix haute. Les commérages étaient devenus chuchotements puis silence éloquent et enfin on avait presque oublié ce que rappelait son nom. Presque, seulement !

Abigail, vêtue de rose, allait de groupe en groupe et son rire sonnait clair devant l'étonnement au sujet de sa présence. Elle avait décidé de revenir à Chaltham seulement parce que Bridget se mariait. Elle n'avait jamais oublié Bridget. Elle la contemplait, radieuse sous sa couronne de fleurs, au bras d'un brun magnifique qui la couvait des yeux. Ils avaient l'air très amoureux. Elle n'était pas encore allée les saluer ; elle savait que ce serait émouvant et tendu pour nombre de convives. Abigail regardait le domaine où elle avait vécu sept ans de sa vie : Abigail avait été la nounou de Bridget. Puis on lui avait demandé de partir et elle était devenue folle. De douleur. Il lui était impossible de quitter cette maison, cette famille, George, Olivia, Priscille et surtout Bridget ! Voilà tout.

Pasteur Salomon la serra dans ses bras, lui affirmant qu'il était heureux de son retour mais s'informant aussitôt de ses intentions de rester ou non. Abigail éclata de rire. Comme elle l'avait dit et redit dans chaque groupe de la communauté villageoise, elle n'était là que pour Bridget... Elle savait que derrière les sourires et hochements de tête, l'angoisse pointait. Revenait-elle s'installer ou non ?... S'installer ? Alors que Bridget partait à Seattle ? Certes non ! Si elle en avait eu les moyens, elle l'aurait suivie en Amérique mais ce ne serait pas possible. Au moins avait-elle renoué le fil avec son histoire, affermi le lien qu'elle avait forgé avec Bridget depuis quatre ans. Bien qu'elle ait été écartée de son enfance, elle avait suivi dès qu'elle avait pu, de loin, son devenir et à la fin de ses études c'était elle - personne n'était au courant - qui lui lui avait trouvé une place de jeune professeur des Arts dans le Collège où elle-même travaillait comme professeur d'anglais. Oui, cela en stupéfiait plus d'un qu'Abigail ait pu reprendre des études et soit devenue quelqu'un !...

Priscille avait eu un "oh" d'étonnement en l'apercevant mais courageusement, elle était venue lui présenter ses enfants. Elle était plus fertile que sa mère et avait eu quatre petites filles qui présentement servaient de demoiselles d'honneur en robes blanches ceintes de rubans vert d'eau.

Et puis, soudain, elle se trouva face à Olivia. Une Olivia grisonnante et si pâle dans sa robe jaune paille. Une Olivia qui avait bien perdu de sa hauteur et de sa superbe, humide et tremblante, et même sur le point de fondre en larmes. Abigail ouvrit son sac et se repoudra avant de regarder la femme qui l'avait chassée vingt ans plus tôt.

- Abigail, s'il vous plaît... C'est un jour spécial... pour nous tous. Vous n'allez pas... Vous ne voulez pas...

Olivia fut rejointe prestement par George venant à la rescousse. On sentait à quel point il était inquiet et... en colère. Mais sur la prairie, au milieu de la réception en l'honneur du mariage de Bridget, il ne pouvait pas grand-chose. Abigail leur serra la main en silence puis, avec un sourire appuyé, prit congé ; il était temps d'aller féliciter Bridget et Roger. En marchant à grandes enjambées de façon à ce que personne ne l'arrête, elle se rappela les dernières heures "d'il y a vingt ans"...

Olivia estimait qu'Abigail s'attachait trop à Bridget et que cela ne convenait pas à leur arrangement. Elle lui avait demandé de quitter la maison sans plus attendre et pour toujours. George n'avait rien dit mais lorsque la jeune fille voulut s'enquérir de ce qu'il en pensait, rouge, soufflant et suant, il se mit en colère et affirma qu'il était temps en effet qu'elle disparaisse. Abigail supplia, pleura, cria. Olivia hurlait qu'elle n'en pouvait plus, qu'elle avait signé un contrat spécifique, qu'elle n'avait plus aucun droit... George lui jeta au visage qu'il en avait assez de sa présence... lourde et insistante. Abigail s'était enfin retirée dans sa chambre pour préparer ses bagages. Après avoir tant pleuré, elle s'était endormie sur la couverture en piqué. Quelque chose l'avait réveillée soudainement. La maison était silencieuse ; on n'entendait pas les filles. Elle ne savait pas quelle heure il était. Pas encore la nuit, mais tard, très tard. Et une idée s'imposait à son esprit. Elle se redressa, déterminée. Elle alla dans la cuisine chercher des ciseaux et des allumettes. Puis elle se rendit au dressing de George et entreprit de mettre les costumes de Monsieur en pièces. Elle en fit autant avec les robes de Madame. Puis retournant au salon, elle mit le feu aux rideaux. Alors, elle se coucha sur le canapé et attendit, bien décidée à mourir... C'est Miss Longsdale, la voisine, sujette aux insomnies, qui avait vu les lueurs depuis sa maison et prévenu les pompiers et les Clifford. On avait réussi à sauver Abigail, trouvée inconsciente au milieu des flammes et elle avait été conduite à l'hôpital. Elle n'avait pas été poursuivie mais envoyée plus tard en hôpital psychiatrique où elle resta six ans. Dans ce lieu, elle avait pu malgré tout se retrouver, faire des études, poursuivre sa vie...

Bridget vit Abigail approcher. Avec Roger, elle alla à sa rencontre. Elles se regardèrent tendrement, puis la nounou, avec cette attitude charmante, eut ce sourire éclatant sous ses boucles rousses. Bridget la serra dans ses bras longuement. Alors, on remarqua que la couleur de cheveux de Bridget s'accordait parfaitement avec ceux d'Abigail. Elle avait teint ses cheveux pour l'occasion. Un signe de reconnaissance, d'acceptation.

Normal, elle était sa fille !

 

© Lakévio

 

 

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Commentaires
L
Cousinades chez Praline :<br /> <br /> <br /> <br /> http://prali.canalblog.com/archives/2017/07/21/35496173.html
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E
bien sûr que l'on comprend qu'elle était sa mère et Georges le salaud de père, et qu'elle a bien raison d'être fière! Jolie mais triste histoire qui, heureusement n'est pas finie! :)<br /> <br /> Pas eu le temps d'écrire, je n'ai récupéré mon ordi (en panne depuis plusieurs jours) que hier. Désolée! :)
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V
Terriblement triste, et sans la dernière phrase, je n'avais rien compris!
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F
un excellent scénario pour un bon film !
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B
C'est une histoire drôlement bien menée.
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