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12 août 2013

Tante Lou

 

 

Helleu Paul Cesar

Paul Cesar Helleu

 

Celles qui ont lu Brigitte de Berthe Bernage se rappellent certainement "Tante Marthe", la dame qui avait des idées bien précises sur la bonne éducation, savait tout sur tout et ne ménageait pas ses remontrances acerbes. J'ai eu ma Tante Marthe ; chez moi, c'était Tante Lou...

 

C'était la plus jeune soeur de ma grand-mère maternelle, la dernière d'une fratrie de cinq enfants. Elle n'eut pas beaucoup de chance dans sa longue vie, le pire étant de perdre sa mère le jour de ses vingt ans... Peut-être pressentait-elle ce terrible drame car sur les rares photos de son enfance elle a toujours une mine renfrognée. Le choc fut tel qu'elle tomba malade et... le resta - au moins imaginairement - toute sa vie. Elle ne se trouvait pas très jolie mais si elle avait souri un peu plus souvent, on aurait oublié son nez à la Cléopatre !

Elle fut plusieurs fois courtisée mais à chaque prétendant elle parlait de sa santé fragile avec une mine souffreteuse telle qu'elle les faisait fuir à jamais. Elle resta donc célibataire et s'occupa avec aigreur et fermeté de ses neveux et petits-neveux. Elle avait la remarque acide, jugeant trop vite personnes et situations. En fait, vivant pourtant avec sa soeur aînée, Marie, avec qui elle partageait une petite maison à Vic-le-Comte depuis le veuvage de cette dernière, elle se sentait très seule et abandonnée ; il fallait qu'elle soit l'objet d'attention. Sa soeur, qui essuyait son caractère à longueur de journée, ne cessait cependant de lui montrer sa reconnaissance pour l'avoir recueillie. Pour nous il était difficile de la voir houspillée sans cesse. Tante Lou était ce qu'on appelle acariâtre...

Mais elle avait aussi des attraits ! Par certains côtés elle se montrait très moderne. Tout d'abord, contrairement à ses soeurs, elle avait poursuivi ses études, passé le concours de la Banque de France et y avait réussi ; elle avait donc un "vrai" travail. Et de "vraies" vacances ! Elle partait un long mois, parfois avec une amie mais seule aussi, sur la Côte d'Azur et revenait bronzée. Il n'était d'ailleurs pas rare de la trouver sur la véranda de sa maison, lisant dans une chaise longue, les jambes au soleil. Ses "maladies" lui permettait aussi d'obtenir régulièrement de la généreuse Banque de France des "cures thermales" de trois semaines qu'elle passait le plus souvent à la montagne, au printemps de préférence. Elle ne se lassait pas du spectable incomparable des cimes. Elle rapportait de l'un ou l'autre lieu de très beaux livres dont elle nous faisait cadeau pour nous instruire. C'était aussi une infatigable et très douée tricoteuse qui travaillait pour toute la famille, ses soeurs, neveux et nièces et les enfants que nous étions. Ma cousine Fanny se rappelle sans doute le chic petit ensemble au crochet bleu pâle dont elle nous a gratifiées, jeunes filles. J'ai porté son dernier ouvrage, un pull rouge au col torsadé, jeune mariée ! (Je viens de le voir récemment sur le dos de ma nièce Caro. On est conservateur dans la famille mais il faut dire aussi que c'était de la bonne laine et de la belle ouvrage.)... Les dernières années de sa vie, ayant perdu beaucoup de cheveux, elle porta perruque !

 

Un jour, la petite maison fut vendue parce qu'un peu loin du centre-ville et les deux soeurs se retrouvèrent en maison de retraite à B. Marie connut une fin subite l'année de mon mariage (1974): on la retrouva écroulée derrière la porte alors qu'elle se rendait à la salle à manger de la Maison. Pour Tante Lou, ce fut plus douloureux. L'été 1987, alors que j'étais en vacances en Auvergne, la MAS où elle s'était installée ensuite nous signala qu'elle était hospitalisée à C. J'étais la seule personne disponible en ce mois de juillet pour aller la voir. Elle attendait, perdue, dans un couloir, sanglée sur un brancard parce qu'agitée. Je restais près d'elle jusqu'à ce qu'on vienne la chercher pour la visite.

Du cabinet de consultations s'échappèrent bientôt des cris qui me firent accourir, me présenter au médecin et lui tenir la main.

J'entends encore : 

Maman, maman, viens ! Te voilà ! Où étais-tu ? Ne me laisse pas, reste avec moi, s'il te plaît ! 

Terrible...

 

Elle mourut quelques jours plus tard.

 

 

Helleu Paul Cesar on-the-beach-

Paul César Helleu - Sur la plage

 

© Lakévio 

 

 

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Commentaires
M
J'avais écrit sur la série des "Brigitte". Cette série dans laquelle j'ai trouvé le prénom de l'une de mes filles :-). La fameuse tante Marthe avait été mariée mais son époux était mort jeune et elle n'avait pas eu d'enfants (de là, ses idées toutes faites sur l'éducation des bambins. C'est bien connu, moins on connait, mieux l'on sait :-D).<br /> <br /> Ta tante Lou m'a émue : sa maman lui aura manqué jusqu'au jour de sa mort. Peut-être que de nos jours, elle aurait "consulté", afin d'évacuer toute cette souffrance qui lui interdisait d'être heureuse ?<br /> <br /> (Ta tante Lou a eu le même employeur que moi ;-))<br /> <br /> ♥
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L
Bonjour et bravo pour ce beau portrait de ta tante , tu as beaucoup de talent d'écriture , j'avais déjà eu l'occasion de le remarquer .c'est un plaisir de te lire !<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour tes visites ,cela fait vraiment plaisir ! Je viens de rentrer pour quelques jours seulement , mes articles sont programmés !<br /> <br /> j'ai vu que tu aimais bien , un petit ange dans l'un de mes articles , malheureusement j'ai bloqué mes photos !je vais voir si je peux te l'envoyer différemment !<br /> <br /> Je continue ma visite chez toi , à bientôt ! Bisous !
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L
J'aime tes récits, Lakevio.<br /> <br /> De quoi donc est morte Tante Lou ?
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H
Au début, j'ai souri, j'ai envié de talent mais la fin n'est pas joyeuse...
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P
très émue à la lecture de ton billet. Je t'embrasse bien fort
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