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19 octobre 2009

La demande en mariage

 

1911

Il y avait une très jeune laitière, blonde et svelte, qui, très droite sur son petit banc et tenant les rênes d'une main habile, conduisait sa carriole tirée par un âne pour livrer le lait chaque matin.

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Il y avait un fringant jeune homme, yeux bleus et moustache blonde assassine, qui, chaque matin, sortait  de son domicile exactement à l'heure où la petite laitière arrivait...

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La petite laitière ne regardait pas les passants, occupée à distribuer les pots et bouteilles devant chaque maison.

Le jeune homme ne regardait personne. Il était triste. Eprouvé par la perte d'un père  qui, de plus, avait dilapidé la fortune familiale, il avait fait face en travaillant pour subvenir à ses besoins et ceux de sa mère. Il s'était fait "coupeur" dans la première entreprise de confection industrielle de la ville. Et puis,... Marguerite lui avait brisé le coeur...


Mais un matin, Cupidon était d'humeur joueuse et le soleil, crevant la nue laiteuse d'une aube hivernale, s'attarda quelque peu sur la petite laitière. Un rayon d'or sembla traverser la rue. Et le sourire de cette jeune frimousse remerciant le soleil d'hiver parvint jusqu'aux beaux yeux du gandin ! Il s'attarda pour la voir faire son ouvrage. Un joli tableau  que cette petite, vive et alerte ! Le lendemain, il la guettait pour la saluer et le soir-même il demandait à sa mère si elle savait qui elle était...

A l'époque, on se "renseignait" sur les personnes pour savoir si elles étaient "fréquentables" et je pense que Madame Mère s'empressa de se "renseigner" afin d'oublier le souvenir même de ... Marguerite!
La jeune fille n'était pas tout à fait du même milieu social mais  les filles peuvent s'élever par le mariage et...   puisqu'on était ruiné !... Les rentes perdues, le rang de la personne n'avait plus beaucoup d'importance !...  De toutes façons l'essentiel était l'élan de Georges s'accompagnant, bien sûr, de la réputation absolument sans contestation de la jeune fille et de sa famille. Or ils se trouvaient être des gens simples et honnêtes,  fiers et courageux.

Et c'est ainsi que la visite de Madame Mère et de son cher fils fut annoncée à la famille de la jeune fille par une dame "entremetteuse".


Cet après-midi-là, à l'heure du porto, la famille endimanchée attendait dans le salon briqué. Les meubles  avaient été cirés, le parquet brossé, les napperons lavés et repassés ; on avait retiré les housses des fauteuils. Il y avait de l'excitation dans l'air. ..

Madame Mère fit son entrée,  de noir vêtue, très imposante, précédant son fils, sanglé dans son élégant pardessus, chapeau et canne à la main  gantée de cuir "beurre frais"... Les hôtes furent reçus avec chaleur mais solennité et on les pria de s'asseoir...

 

 

 

mRT


-Chère Madame, cher Monsieur, vous n'ignorez pas que Monsieur mon fils a remarqué Mademoiselle  votre fille.  Il m'a dit avoir une inclination pour elle. C'est pourquoi j'ai l'insigne honneur de vous demander l'autorisation pour lui-même de fréquenter Mademoiselle Jeanne en vue d'un mariage...

Jeanne rougit et après un bref regard à la moustache assassine, baissa les yeux sur ses genoux. Elle pouvait voir quand même le léger tremblement des mains gantées qui faisaient tourner le chapeau... Les parents parlèrent... "Honorés de votre demande" .... "si notre fille est d'accord"...
Oh oui, elle est d'accord ! C'est lui ! Elle en est sûre! Pour le meilleur et pour le pire ! Il lui plaît ! Il la veut ; Elle le veut !
C'est cependant d'un oui timide, comme il sied à une jeune fille de vingt ans, qu'elle dira son acquiescement.
Lui seul saura qu'elle est forte, autoritaire et ardente !


Et je me rappelle que ma grand-mère répétait toujours : "Entre la connaissance et le mariage : vingt-neuf jours !"

C'est qu'elle a dû les compter !

maries_debut_siecle_

 


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Commentaires
M
Une belle histoire du temps passé...<br /> Bonne nuit
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J
Proust n'aurait pas mieux écrit cette histoire d'une vie. C'est touchant et très émouvant <br /> l'éducation du XXIème est vraiment à revoir!!!!!!!!!<br /> Bisous et à très bientôt car il y avait un pti moment que l'on n'avait eu d'échange Merci cela me fait plaisir
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M
Tchouboukov (allant à sa rencontre) : Ma colombe, qui vois-je ? Ivan Vassiliévitch ! Que je suis heureux ! (Il lui serre la main) Comment allez-vous ?<br /> <br /> Lomov : Je vous remercie. Et vous, comment vous sentez-vous ?<br /> <br /> Tchouboukov : Pas mal, mon ange, grâce à vos prières. Asseyez-vous. Mais dites, pourquoi cette tenue ? Habit, gants blancs ? Allez-vous quelque part, mon bijou ? <br /> Lomov : Non, seulement chez vous, inestimable Stépan Stépanovitch <br /> Tchouboukov : Mais alors, pourquoi cet habit ? Comme si vous veniez en visite le premier de l'an ! <br /> Lomov : Voici de quoi il s'agit. (Il le prend sous le bras) Je suis venu chez vous, inestimable Stépan Stépanovitch, pour vous importuner avec une demande... mais excusez-moi, je suis trop ému. Il faut que je boive de l'eau, inestimable Stépan Stépanovitch <br /> Tchouboukov (? part) : Il vient demander de l'argent. Je ne lui en donnerai pas. (Haut) De quoi s'agit-il, ma beauté ? <br /> Lomov : Voyez-vous, Inestimable Stepanitch, pardon, Stepan Inestimabilovitch,..., c'est-à-dire, je suis trop ému. Il n'y a que vous qui puissiez m'aider <br /> Tchouboukov : Ne tergiversez pas, mon chou ! Allez-y franchement ! Alors ? <br /> Lomov : Voilà ... tout de suite. Le fait est que suis venu vous demander la main de votre fille Nathalie Stepanovna. <br /> Tchouboukov (exultant de joie) : Mon chou ! Ivan Vassiliévitch ! Répétez-le encore une fois, j'ai mal entendu ! <br /> Lomov : J'ai l'honneur de vous demander ... <br /> Tchouboukov : Ma colombe ... je suis si heureux. (Il le serre dans ses bras et l'embrasse) Je le souhaitais depuis longtemps. Je vous ai toujours aimé, mon ange, comme mon propre fils. Que Dieu vous accorde à tous deux, conseil, amour et le reste... Mais qu'est-ce que je fais là comme un idiot ? Je vais aller chercher Nathalie ....<br /> Anton Tchekhov <br /> (non, ce n'était pas moi!!!!)<br /> Bisous du mercredi,la mule garde-fée
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B
Un très beau récit, raconté avec finesse!<br /> <br /> C'est intéressant d'imaginer comment se rencontraient les jeunes couples à l'époque... C'était bien différent ! Heureusement, il existait tout de même des mariages d'amour de temps en temps!<br /> Seulement, on était plus soucieux des courtoisies, et peut être plus réservés!
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L
Une belle rencontre,une belle histoire...<br /> Merci pour cette jolie page familiale,racontée avec ferveur,et émotion sans doute..
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