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20 novembre 2017

Conte du Lundi 85

 

Dean Cornwell

 

Chère Agathe,

Sais-tu combien je m'ennuie !... Ah, je vois ta bouche s'arrondir ; tu es offusquée ! Je sais que je ne devrais pas dire ça mais qu'y puis-je si c'est la vérité. Tu avais raison et j'avais promis de ne pas te le dire si je constatais que je m'étais trompée. Je ne peux pas ! Tu avais donc absolument raison, ma petite Agathe ! J'ai été éblouie par la fortune, la vie facile qui s'annonçait, le voyage de noces en croisière... Tu te rends compte, une croisière ! L'Egypte !... Ah, j'ai bien hésité à te le rapporter tant tu vas te moquer de moi... mais tu es la seule à qui je puisse confier cela.

Et bien voici vingt jours que je suis mariée avec Charles, vingt jours et c'est déjà trop ! Déjà, tu imagines l'étroitesse de la cabine, constamment l'un sur l'autre si j'ose dire ! C'est plutôt l'un au chevet de l'autre ! Il est malade comme un chien. Parfois même je dois tenir la cuvette car je ne peux pas déranger le service tout le temps ; ça empeste ! Tu parles d'un voyage de noces !... Bon, il va mieux. Nous pouvons descendre prendre l'air sur le pont car, par chance, la mer est extrêmement calme. Mais je dois lui tenir compagnie et j'en ai assez de cette vue toujours désespérément identique, la mer, la mer, la mer ! Heureusement, nous avons un temps magnifique. 

Nous ne pouvons pas descendre aux escales. Charles a peur que de reprendre pied sur la terre ferme le rende plus malade encore au retour !... En bonne épouse, je dois rester avec lui. Il ne peut pas aller à la salle à manger, la vue, l'odeur des mets l'insupporte. Par chance, cela l'incommode aussi dans la cabine, donc j'ai la permission d'y aller. C'est le seul moment où je peux m'échapper et profiter du voyage. Le seul instant où je m'amuse ! On nous plaint beaucoup. Je suis prise en charge par de nombreuses dames de l'âge de ma mère qui proposent de me chapeauter, de m'accompagner, voire de tenir compagnie à Charles pour que je puisse faire une partie de criquet ou jouer au whist ou au bridge. Mais je n'ai pas envie d'y aller, elles me rasent tout autant que Charles ! Ce que j'aimerais, c'est aller danser ! Mais je n'ose pas demander à Charles... Ce n'est pas qu'il me l'interdirait. Aujourd'hui encore, sur le pont, comme je baillais à fendre l'âme alors qu'il buvait son eau minérale - il n'est pas mal dans son costume clair et son mal de mer lui a ôté quelques kilos mais l'horrible faute de goût, il avait passé des chaussettes bleues ! j'avais honte... - j'aurais dû veiller à ses vêtements ! Donc, tout à l'heure, il a très gentiment reconnu qu'il me gâchait la vie, actuellement, il voulait dire, mais qu'il se rattraperait avec un autre voyage ... l'an prochain. L'an prochain ! Tu te rends compte ? Il a ses affaires !... Evidemment qu'il a un travail ! Mais moi, alors, est-ce que je dois attendre toute une année. ? Je ne mérite rien d'autre alors que je suis toute attentionnée ? Bon, il m'a dit aussi, en voyant mon visage chiffonné, que je pouvais aller me promener seule sur les ponts et les coursives puisque j'avais le pied marin et que lorsque nous arriverons aux Pyramides, je descendrai avec les dames dont je lui avais parlé. Je crois que je vais quand même pouvoir tirer quelque chose de ce voyage raté.

Figure-toi que, me voyant esseulée, plusieurs jeunes gens sont venus me parler. Sur un bateau, tout se sait très vite et ils avaient connaissance que je n'étais pas demoiselle. Aussi leur cour est discrète mais je crois bien qu'entre eux, ils se moquent de ce pauvre Charles... De toutes façons, sa proposition tombe bien car je viens d'apprendre qu'un des officiers de bord descendra avec nous aux Pyramides. Dès le premier jour, j'avais remarqué son allure, sa prestance. Je sais que je ne lui suis pas indifférente. Il me salue toujours gentiment et s'attarde volontiers quelques instants sous prétexte de me donner des indications. Il espère que mon mari sera suffisamment guéri pour les fêtes du retour pour me voir au bal... Je me prends à penser que j'aurais dû attendre pour me marier. Oui, je t'entends, Agathe, si je ne m'étais pas mariée, je n'aurais pas fait la croisière... Et je n'aurais pas rencontré mon bel officier... Il s'appelle Rodolphe. Je crois que je ne vais plus m'ennuyer.

Je t'embrasse, ma divine et très chère amie. Je sais bien que tu ne m'en voudras pas et que tu soutiendras toujours ta petite

Emma

 

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Commentaires
V
oh la la, il vaudrait mieux que Charles ne tombe pas sur cette lettre, quoique! cela lui ferait peut-être passer son mal de mer!!
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F
Bon, je n'ai pas fait mon devoir, mais grâce au "mal de mer" de Praline, je parle de bateau ;) <br /> <br /> http://monparcourscancerdusein.eklablog.com/l-ile-d-yeu-a132700780<br /> <br /> Bisous et bonne soirée
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B
Emma, bien sûr .☺<br /> <br /> Je rêve de faire une croisière. Une longue croisière, comme une transatlantique. <br /> <br /> On m'a dit que je m'y ennuierai, mais en vrai j'adore m'ennuyer.
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J
Une lettre vous attend ici: http://www.jeanjacques666.eu/archives/2017/11/20/35885075.html
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V
La pauvre ! Mais que croyait-elle ? Elle n'a pas écouté monsieur le curé ? Elle doit le suivre pour le meilleur et pour le pire. Et lui être fidèle ; non, mais !
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