la vérité vraie 31
Le déjeuner.
Ce fut vraiment un bon moment. Je suis heureuse d'avoir pris cette décision.
J'ai laissé Noëlle commencer la vaisselle et je me suis posée dans le fauteuil pour savourer ce moment. A mon âge, j'ai bien le droit de me reposer un peu... Dans cinq minutes, je finirai de débarrasser, mais pour l'instant, je prends le temps de me réjouir.
Les réunir tous. Les rassembler à nouveau autour de la table. Oublier les querelles, les ressentiments, les jalousies inutiles. Pierre ne parle plus à Paul et Julie ne supporte pas André son beau-frere. Laure est jalouse d'Odile qui se pense bien supérieure à Sylvain... C'est fatigant ces bêtises. Surtout qu'il n'y a pas de problème grave. C'est juste que les liens se distendent si on n'y veille. Surtout dans les grandes familles et avec les pièces rapportées ! Le choix des enfants n'est pas à discuter. C'est comme les prénoms des enfants... On s'y fait. Ce sont des enfants et ils feront notre joie. Peu importe s'ils se nomment Louis, Edouard, Mehdi, Killian ou Vanessa. Je les ai élevés dans le respect et la tolérance de la différence. Mais on ne maîtrise que sa propre vie et encore !...
Ils ont été surpris. Il y avait plus de cinq ans qu'on n'avait pas été tous ensemble. J'étais fatiguée devant les humeurs et doléances des uns et des autres. Mais j'ai compris que c'était à moi de mettre le baume, de donner l'élan, de lancer l'idée de retrouvailles. Leur faire comprendre qu'il fallait tisser les liens, faire des noeuds solides. Que la famille était une chance et non un combat. Bien sûr il y a des affinités ou des rejets. Rien de totalement incompatible. Si on ne peut même pas passer un dimanche ensemble !...
Aussi, j'aime à les voir s'éloigner sur la route pour une promenade dans la campagne aux riches couleurs d'automne.
Les enfants courent avec le chien. Les groupes se forment par deux, trois, quatre... Je sais à leurs silhoettes que tout va bien. Finalement ils sont heureux aussi de mon initiative. Je crois qu'ils attendaient que la vieille - je dis cela tendrement - les convient à ce moment. C'était notre habitude avant.
Avant... Je crois que j'ai dormi.
Et j'ai rêvé !...
Noëlle n'est pas devant l'évier et j'ai déjeuné seule devant la fenêtre. Il n'y a personne sur la route de campagne. Pas d'enfants, pas de chien dans la cour. C'est dimanche. Il y a cinq ans que Bruno est mort... On dirait que je me réveille d'un long sommeil. C'est moi qui ai chassé tout le monde !
Quel rêve !... Il faut que je les invite, que je me remette au fourneau. Les tartes, les crèmes, les daubes, les civets, le poulet... Fini le verre de vin et la croûte de fromage, l'appétit fermé, soupirs et sourire rare. Bon sang, j'ai la chance d'avoir cette famille et je la retiens loin de moi !
Mais qui vient là, sur la route ?... Oh, c'est David et Fatima. Les enfants sont déjà au portail, ils ont de la brioche... Il suffisait donc de sortir de sa léthargie ? Vite, l'assiette dans l'évier, enlevons le tablier, sourire à son reflet, sourire à la vie.
Mémé est de retour !
© Lakévio