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11 avril 2016

La vérité-vraie 13

 

Le bouquet de lilas.

bouquet lilas vase bleu

 

Les hauts de Ch..., 1908.

Louise s'engagea sur le chemin qui descendait à la ville. Outre la vue magnifique sur la cathédrale elle savait qu'elle retrouverait là, en longeant la propriété, les parfums de l'enfance. Que de souvenirs !... Et puis, en cette saison, il y avait les lilas ! L'odeur même du souvenir. La mémoire ouverte comme une douce et tendre blessure du temps à jamais perdu... Jeanne.

En ce temps-là, elle était la fille du régisseur du domaine et Jeanne était la fille de la maison. Mais il n'y avait pas de différences entre les deux petites filles. Elles goûtaient ensemble, dînaient et jouaient ensemble. Elles allaient à l'école ensemble et si Jeanne continua ses études alors que Louise, à quatorze ans, allait travailler à l'atelier de couture, elle participait aux fêtes et fut choisie comme la première demoiselle d'honneur lors du mariage de son amie. Toute une époque !... Un siècle nouveau s'ouvrait avec bals et chansons...

Mais pourquoi Jeanne avait-elle épousé un étranger ?... Pourquoi l'avait-il emmenée dans son pays ? Ce n'est pas si loin, l'Italie ! Mais elle n'avait plus jamais revu Jeanne ici. Elle avait reçu des lettres et même la photographie de son amie au bord d'un très joli lac avec un petit paquet blanc dans les bras... son premier enfant. Et puis la tragédie... La promenade en barque sur le lac, la noyade et le départ de la famille D. pour l'Italie. La propriété fermée et les lilas embaumés qui, par-dessus le mur, chaque année, la saluaient tout en lui fendant le coeur... 

Ce matin-là, dès le tournant, un spectacle insolite retint son regard : une petite fille en noir se tenait au seuil de la cour, devant le portail ouvert. Elle portait un bouquet de lilas presque aussi gros qu'elle. Ce chemin n'était pas très passant ; Louise eut aussitôt l'impression dérangeante que la fillette l'attendait. Elle avait seulement tourné son regard vers la jeune femme et la laissait venir, immobile.

En approchant, Louise vit que la maison était ouverte et son coeur se mit à battre plus vite. La fillette avait un ruban assorti à ses beaux yeux bleus. On ne voyait qu'eux dans sa figure pâle sous ses longs cheveux sombres. Lorsque Louise fut tout près, la petite fille, après un soupir comme si elle avait longtemps attendu, dit :

- Madame, voulez-vous mon bouquet ? Il y en a tant et l'odeur me fait mal à la tête...

En approchant, Louise remarqua le médaillon de la fillette sur son corsage. Il contenait une photo et, bien sûr, il s'agissait de... Jeanne !

- Oh, mon Dieu, tu es...

Une voix d'homme l'interrompit et la fit sursauter.

- Laura, dove sei, che cosa fai?

Louise, d'un geste doux, prit le bouquet des mains de la fillette qui semblait fatiguée de la longue attente. Elle regarda l'homme. Il avait de grands yeux bruns dans un visage triste cerné d'une barbe drue et sévère. Tout en époussetant sa veste pour se donner une contenance devant la jeune femme dont la présence l'embarrassait, il la regardait cependant de façon franche et tranquille.

- Je suis désolé si la petite vous importune...

- Non, Monsieur, elle me fait un si beau cadeau.

Les yeux de Louise avaient commencé à s'emplir de larmes. Elle se sentait gênée et émue et pourtant elle ne put s'empêcher de dire :

- Pourquoi, oh, pourquoi, l'avez-vous emmenée si loin ?...

L'homme, interloqué, la dévisageait à présent.

- Qui êtes-vous ? Avez-vous connu... mon épouse ?

- Je suis Louise : Jeanne était mon amie. J'étais à votre mariage... je ne sais pas si...

- Louise ! Louise, bien sûr... Je n'espérais pas de rencontre si... intime ! Il reprit en rougissant, je veux dire, si... importante ! Voulez-vous entrer ? S'il vous plaît, entrez !...

- Je ne peux pas maintenant. Je dois aller travailler... avec ce beau bouquet, ajouta-t-elle à l'intention de la fillette. Mais si vous le souhaitez, je peux m'arrêter ce soir à mon retour.

- Oui, s'il vous plaît. revenez !

Elle revint.

 

© Lakévio

 

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Commentaires
B
Une jolie histoire qui va se terminer dans le parfum des roses, comme l'eau du même nom. ;)
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E
j'adore cette histoire , vraiment !
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L
Chez LiliPlume<br /> <br /> <br /> <br /> http://liliplume2.canalblog.com/archives/2016/04/10/33647916.html#c69208532
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A
comme c'est beau... (le mien est plus...zarbi !)
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P
Oh la la... ce sont aussi mes yeux qui s'emplissent de larmes... je me fais un beau film pour la suite ;) <br /> <br /> Merci pour cette très belle histoire d'amour.
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