La petite voleuse
Lors de ses vacances à Pontgibaud, Miette entraînait ses copines dans les endroits qu'elle préférait : la chapelle, l'église et le cimetière.
Je sais, cela peut paraître saugrenu et un peu morbide mais dans l'esprit de la petite fille, c'était le calme et la beauté des lieux, les parfums qui l'attiraient. L'encens, les bougies, les roses, les lys, les vitraux et les jolies statues colorées... (Bon, ça c'est chacun ses goûts, mais c'est comme pour le défilé, je suis tombée dedans toute petite, ma famille étant très vieille France, pleine de militaires et d'écclésiastiques...)
Monter à la chapelle, par un chemin ardu mais verdoyant était exaltant. On lui avait bien dit qu'il y avait des ronces et des vipères mais Miette aimait bien cet effort et l'impression de maîtriser le paysage. On y cueillait des mûres sur les ronces qu'on dégustait sur les marches devant la porte toujours fermée, ce qui ne satisfaisait pas du tout sa curiosité !
Photo de 2007. Elle n'était pas si dégagée dans les années 60 !
Le chemin prenait dans le cimetière, occasion d'une inspection des tombes. S'apitoyer sur le beau et jeune Henri Vidal, retrouver des noms entendus dans les conversations des grandes personnes, regarder les photos sur les plaques mortuaires, admirer les anges et autres sculptures et surtout rapporter quelques trophées trouvés : feuilles ou pétales en perles tombés des croix ou des couronnes ainsi qu'on les fabriquait en ce temps-là.
Dans la pénombre et le silence de l'église, on se sentait toujours bien ces jours d'été. Miette était surtout attirée par l'autel de la Vierge, toujours abondamment fleuri et illuminé de la lueur des cierges.
Après considération, Miette avait décrété qu'il n'y en avait pas assez et décidé ses petites camarades à l'aider à en mettre le plus possible ! Un, deux, six, dix cierges furent aussitôt allumés et installés avant que retentisse une voix derrière les petites filles affairées.
- Mais que faites-vous là, mes enfants ?...
Silence des intéressées, soudain conscientes de la sotte entreprise.
- Ce n'est pas la première fois que vous venez, n'est-ce pas ? Ne savez-vous pas qu'il faut acheter les cierges ? N'avez-vous pas vu le tronc à cet effet ?...
Muettes et désolées, les petites filles furent raccompagnées jusqu'au porche.
C'est bien honteuse que Miette raconta son méfait à Grand-mère qui la gronda et l'assura qu'elles iraient mettre de l'argent dans le tronc car...
- Tu ne voudrais pas ressembler à cette mienne cousine, religieuse de son état, qui allait voler des bouts de cierges dans les églises pour s'en servir comme chandelles !...
© Lakévio