Marguerite, l'amoureuse de Grand-Père
- Oh, grand-mère !...
- Si, si, si. Avant moi, votre grand-père a connu Marguerite !...
- Cette vieille dame ?
- Elle n'a pas toujours été vieille. Ni moi non plus, d'ailleurs !
Et Miette regarde la vieille dame au chapeau suranné, les joues poudrées, la bouche délicatement retouchée de rouge et tend ses oreilles.
Marguerite, en visite auprès d'un grand-père bien fatigué, la dernière rencontre peut-être, avait toujours son rire et son franc-parler, des manières vives qui faisaient trembloter ses frisettes. Elle répétait en riant gaiement :
- Heureusement que je ne t'ai pas laissé m'épouser... j'aurais fait ton malheur ! Tu n'aurais jamais pu me supporter toute une vie...
Mon grand-père Georges avait été fou amoureux de Marguerite. Une jeune femme libre, qui aimait danser, se parfumer, s'enivrer et rire, rire, rire! Elle menait mon grand-père par le bout du nez ! Amoureuse mais lucide !
Dans un temps lointain ma grand-mère avait dû se tourmenter en se demandant parfois si son mari songeait encore à la belle et ardente Marguerite... Jeanne était bien différente. Elle se savait moins jolie que sa rivale et surtout beaucoup plus taciturne. Elle était très autoritaire mais droite, forte, efficace et savait commander sa maisonnée de main de maître!
Grand-Père avait donc eu une première histoire d'amour... Le choix de la jeune fille n'entrait absolument pas dans les vues de sa mère. Elle avait supporté la fréquentation parce qu'il faut bien qu'un jeune homme "jette sa gourme" comme on disait alors, mais... "on n'épouse pas une demoiselle - il serait plus juste sans doute de dire "une dame" , fi donc ! - qui se trimballe une telle réputation !" Elle plaidait ainsi sans doute, et devait demander à sa fille et son gendre de raisonner le jeune fou ! De toutes façons, tout fut noué : Marguerite refusait le mariage.
Grand-père sut se remettre de son chagrin, épousa Jeanne qui eut la sagesse de garder des liens de loin en loin avec l'amour de jeunesse de son époux, frivole et libre mais fidèle amie.
© Lakévio
Frank Weston Beston