Vous souvenez-vous ?
Vous souvenez-vous de cette collection fabuleuse : nrf poésie / Gallimard ?
J'étais en classe de seconde lorsque j'ai acheté le premier d'une longue série...
A la maison, nous en avons quelques-uns en double parce que, de son côté, LeMaître en achetait aussi !
Mais impossible de se défaire des uns ou des autres : ces ouvrages sont trop chargés de souvenirs, annotés, soulignés...
Et parfois on y trouve une rose oubliée entre les pages...
Comme ici, sur un très beau poème de Paul Eluard (in Capitale de la douleur) lu et relu à l'époque et redécouvert de temps en temps ...
En voici d'autres :
LA COURBE DE TES YEUX
La courbe de tes yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sùr,
Et si je ne sais plus tout ce que j'ai vécu
C'est que tes yeux ne m'ont pas toujours vu.
Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs.
Parfums éclos d'une couvée d' aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l'innocence
Le monde entier dépend de tes yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
LEURS YEUX TOUJOURS PURS
Jours de lenteur, jours de pluie,
Jours de miroirs brisés et d'aiguilles perdues,
Jours de paupières closes à l'horizon des mers,
D'heures toutes semblables, jours de captivité,
Mon esprit qui brillait encore sur les feuilles
Et les fleurs, mon esprit est nu comme l'amour,
L'aurore qu'il oublie lui fait baisser la tête
Et contempler son corps obéissant et vain.
Pourtant j'ai vu les plus beaux yeux du monde,
Dieux d'argent qui tenaient des saphirs dans leurs mains,
De véritables dieux, des oiseaux dans la terre
Et dans l'eau, je les ai vus.
Leurs ailes sont les miennes, rien n'existe
Que leur vol qui secoue ma misère,
Leur vol d'étoile et de lumière
Leur vol de terre, leur vol de pierre
Sur les flots de leurs ailes,
Ma pensée soutenue par la vie et la mort.